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En cette période post COP21, après un hiver timide et un nouvel an quasi-printanier, la météo semble être redenue normale. Profitons-en pour nous intéresser à l’influence de la météo et du climat sur les abeilles domestiques et sauvages.
Il est devenu difficile de l’ignorer : le climat change du fait des activités humaines.
Même s’il est délicat d’imputer l’étonnant hiver que nous avons vécu au seul réchauffement climatique (il faut garder à l’esprit une variabilité naturelle d’une année à l’autre, et l’impact du phénomène El Niño), les chiffres révélés ces derniers moins ne laissent pas place au doute, 2015 a été l’année la plus chaude jamais connue de mémoire de climatologue. Ce qui n’est pas sans influencer les conditions météorologiques locales (le « climat » est la moyenne météo établie sur une période de 30 ans). Petit tour entre météo et climat pour découvrir comment les pollinisateurs sont influencés par les aléas de Mère Nature.
Le comportement des abeilles, comme celui de la majorité des animaux, est bien évidemment lié aux conditions météorologiques quotidiennes (température, humidité, vent, etc.) et, plus largement, des variations saisonnières, avec un fort contraste printemps-été/automne-hiver.
Dans les ruches, le comportement de la colonie change entre les saisons chaudes et froides : la grande partie des sorties de butinage s’effectue à la bonne saison, à partir de 12 ou 15°C. L’abeille domestique est frileuse ! S’orientant avec le soleil, elle n’aime pas non plus la pluie et son lot de nuages qui cachent sa principale boussole.
En hiver, avec une population réduite (la colonie passe de 50.000 à 10.000 abeilles) et un temps plus froid et humide, les abeilles ne sortent que très rarement, et seulement si la température atteint le seuil des 12°C (en-dessous, elles ne sortent qu’à proximité immédiate de la ruche pour le nettoyage et le « vol de propreté »). La colonie survit alors sur les réserves de miel accumulées du printemps au début de l’automne, pour peu qu’il y en ait assez : c’est ici que l’apiculture « intensive » joue un rôle parfois néfaste sur la santé des abeilles, en s’accaparant le miel et en le remplaçant par du sirop de glucose industriel, dépourvu de vitamines.
Le comportement des abeilles sauvages est assez différent. En effet, si les colonies d’abeilles domestiques survivent d’une année à l’autre, le cycle de vie des abeilles sauvages est fondamentalement différent. L’hiver est une morte saison où ne survivent que des reines (dans le cas des bourdons, qui sont des abeilles sociales formant des colonies), ou à l’état de larves ou d’adultes mâles et femelles bien cachés dans leurs nids (dans le cas des abeilles solitaires).
Toutes attendent le printemps pour émerger, butiner et se reproduire. Moins frileuses, certaines abeilles sauvages sortent dès 6 à 8°C et sont ainsi fondamentales pour la pollinisations des plantes fleurissant très tôt dans la saison, comme certains arbres fruitiers (pommiers, poiriers, etc.).
Un hiver trop long et froid ? Les insectes épuisent dramatiquement leurs réserves de miel et/ou de pollen (la nourriture des larves) et risquent de ne pas voir venir le printemps.
Un hiver trop doux ? Les parasites prolifèrent tandis que les abeilles domestiques sortent butiner et s’épuisent à la recherche de fleurs de plus en plus rares.
Un été trop chaud et sec ? La ressource en eau plus rare (les abeilles ont également besoin d’eau, pour rafraichir la ruche dans le cas des domestiques, ou pour construire leurs nids dans le cas des sauvages). S’il fait trop chaud, les abeilles domestiques ne sortent plus et consomment une énergie importante pour climatiser la ruche.
Un été trop pluvieux ? Trop de pluie nuit au vol, le soleil est caché, les sorties sont plus rares, et les stocks de miel et de pollen ne se remplissent pas, ce qui fait peser un risque sur la disponibilité en miel pour l’hiver.
Un début de printemps suivi du retour des gelées ? Un impact souvent important sur les bourgeons et fleurs à venir, sans compter l’émergence d’abeilles sauvages qui souffriront des gelées tardives.
Le changement climatique produira une augmentation de la fréquence des événements extrêmes auxquels la nature n’est pas très bien préparée : canicules, sécheresses, vagues de froid… Il devient de plus en plus rare d’avoir une année « normale » de bout en bout.
Face à ces événements imprévisibles, les abeilles domestiques bénéficient d’une aide appréciable : l’apiculteur, qui peut fournir du sucre en cas de disette, traiter contre les maladies et parasites, favoriser la reproduction d’individus résistants, etc.
Les abeilles sauvages ne profitent pas d’une aide aussi soutenue et sont donc soumises aux aléas de la nature. On sait pourtant qu’elles contribuent énormément à la production agricole et qu’elles méritent toute notre attention.
Déjà soumises à de nombreux stress, parmi lesquels les pesticides et les maladies ou parasites constituent les principaux moteurs de leur déclin, les perturbations météorologiques et, à plus long terme, climatiques, viennent donc imposer des contraintes supplémentaires à des populations qui ont déjà fort à faire pour se maintenir.
Comme bon nombre d’espèces, les abeilles, et plus particulièrement les abeilles sauvages, sont adaptées à certains paramètres climatiques déterminés et ont donc une répartition géographique précise.
Avec le changement climatique, les grandes zones climatiques ont tendance à « remonter » vers le nord (le climat méditerranéen « remonte » vers Paris, par exemple). Les espèces végétales et animales suivent le même mouvement, pour rejoindre les conditions qui leur sont les plus propices, mais à des rythmes différents (les arbres se « déplacent » moins vite que les oiseaux, ce qui pose des problèmes importants pour les espèces animales dépendant d’une ou plusieurs espèces de plantes bien précises. Le risque de décalage entre l'émergence des pollinisateurs sauvages et la floraison des plantes leur fournissant nectar est pollen est réel).
Récemment, des individus de l'espèc Hylaeus punctatus, une abeille masquée, originaire du bassin méditerranéen, ont été observés jusqu'au centre de Bruxelles. La ville leur offre un environnement de qualité suffisante, mais surtout des températures agréables, du fait du phénomène d'îlot de chaleur.
Cette grande remontée rend nécessaire la perméabilité de l’urbain à la nature : il ne faut pas que nos villes deviennent des murailles infranchissables. C’est là tout l’intérêt du réseau écologique (maillage vert et bleu), qui doit permettre à la faune et à la flore de traverser sans trop de difficultés ni discontinuités les zones urbanisées ou fortement agricoles.
Et c’est là que peuvent véritablement compter les actions entreprises par tout un chacun pour rendre son jardin, sa terrasse, son balcon ou sa façade utiles à la nature, comme dans le cadre de notre campagne 1m² pour la Nature !