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Le déclin des pollinisateurs européens continue...

Avril est décidément le mois des constats accablants sur la santé des pollinisateurs, qu'ils soient domestiques ou sauvages. Trois études ont été rendues publiques, deux concernant les abeilles des ruches, et une concernant leurs cousins les bourdons. Leurs résultats n'ont hélas rien de réjouissant. 

Une fois de plus, le constat est inévitable : les abeilles sont malades de notre environnement ! Pesticides, perte des habitats et de la diversité florale, dérèglements climatiques, maladies diverses,… impactent significativement les abeilles sauvages comme domestiques. La mauvaise santé des abeilles est un signal d’alarme révélateur des profondes pressions que subissent les écosystèmes et de la nécessité de prendre en compte la nature dans chaque activité humaine.

Un quart des bourdons proches de l'extinction

Tout début avril, l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN) publiait les résultats d'une étude européenne de suivi des populations de bourdons (STEP : Suivi et Tendances des Pollinisateurs Européens).

Les données récoltées, portant sur 68 espèces de bourdons, sont pour le moins inquiétantes :

  • 46 % des espèces voient leurs populations décliner
  • 24 % des espèces sont menacées d'extinction
  • 29 % sont stables
  • 13 % sont en augmentation (espèces généralistes)

La perte d'une grande diversité d'espèces, et la prolifération de quelques espèces généralistes qui profitent de l'absence de compétition, conduisent vraisemblablement à un appauvrissement et une banalisation de la faune européenne.

Le bourdon des champs (Bombus pascuorum) est devenu l'espèce la plus fréquente en Belgique

Les causes avancées de ce dramatique déclin sont celles généralement pointées du doigt dans la mise à mal de toutes les espèces d'insectes, mais aussi d'oiseaux, d'amphibiens, de reptiles ou de mammifères : le changement climatique, l'intensification de l'agriculture et la modification des terres agricoles forment a priori les causes principales, auxquelles s'ajoutent la pollution, ou la fragmentation et la perte d'habitats dues à l'urbanisation (villes, quartiers résidentiels, etc.)

Les bourdons, classés dans les abeilles sauvages et cousins des abeilles domestiques, sont également de grands pollinisateurs : parmi les 5 insectes pollinisateurs principaux des cultures européennes, 3 sont des bourdons (ces derniers sont notamment les seuls à polliniser les solanacées : tomates, poivrons, aubergines, pommes-de-terre...)


La mortalité des abeilles partiellement liée au climat 

Quelques jours plus tard, ce sont les abeilles domestiques qui se font remarquer et gagnent les unes de la presse. Largement plus médiatisées, elles ont généralement la faveur du grand public et des élus, ce qui ne les empêche pourtant pas d'être toujours confrontées à des mortalités inquiétantes que rien ne semble endiguer.

L'étude épidémiologique paneuropéenne sur les pertes de colonies d'abeilles, EPILOBEE, a ainsi publié les résultats d'analyses portant sur les années 2012-2013 dans 17 États membres.

Les pertes hivernales vont de 3,5 à 33,6 %, le plus haut pourcentage étant atteint chez nous, en Belgique, suivie des pays les plus septentrionaux. L'étude pointe ainsi un fort gradient de mortalité Nord-Sud, et suppose dès lors une influence métérologique/climatique particulièrement forte, d'autant que l'hiver 2012-2013 a été particulièrement long et mauvais.

 

La mortalité hivernale est plus forte dans les pays du nord de l'Europe

Les mortalités durant la saison apicole (printemps-été) étaient bien inférieures à ces pics hivernaux, se situant entre 0,3 et 13,6 % (culminant en France, la Belgique arrivant troisième avec 8,9 %, après le Royaume-Uni).

L'étude pointe principalement, outre l'influence vraisemblable du climat, toute une série de maladies et de parasites (Varroa, loque américaine et européenne, etc.) qui ont été étudiés par les chercheurs du projet EPILOBEE.

Le rapport, comme le signale Stéphane Foucart (Le Monde) en reprenant le constat du Dr David Goulson (Université du Sussex), n'évoque pourtant pas une seule fois les pratiques agricoles, responsables (à tout le moins en partie) de cette mortalité :

"Mais lisons les trente pages du rapport rendu public : le mot « pesticide » n’y figure pas. Le mot « insecticide » non plus, pas même une litote aussi bénigne que « produit phytosanitaire ».

On cherche, en vain, les mots « agriculture », « pratiques agricoles »… On se frotte les yeux. C’est un peu comme si une étude épidémiologique sur les causes du cancer du poumon avait non seulement omis de questionner les participants sur leur consommation de tabac mais que, de surcroît, les mots « cigarette » ou « tabagisme » aient été exclus de son compte rendu." (Le Monde, 13 avril)

Ce rapport laisserait donc voir une fois de plus la puissance de lobbies des pesticides, qui s'échinent à faire innocenter leurs produits en pointant du doigt d'autres coupables uniques : virus, parasites, voire manque de fleurs (comme l'avance le 'Réseau Biodiversité pour les Abeilles', dont fait partie BASF, et qui coorganise la semaine européenne de l'abeille).


Les effets d'une agriculture toxique 

Des pratiques agricoles qui sont pourtant accusées avec véhémence par Greenpeace, qui a publié le 17 avril le rapport d'une étude indépendante qui s'est intéressée au tristement célèbre "effet cocktail" des pesticides agricoles. Réalisée dans 12 pays européens, l'étude s'est penchée sur la contamination du pollen ramené à la ruche par les butineuses.

Au total, ce sont 53 produits toxiques détectés dans les échantillons de pollen, et 17 dans le pain d'abeille (pollen + nectar à destination des larves). Ces produits chimiques sont principalement utilisés par les agriculteurs, mais certains - comme les acaricides - sont également appliqués directement par de nombreux apiculteurs dans la lutte contre la varroase ou d'autres parasites.

Si les effets toxiques de chaque pesticide sont normalement étudiés avant leur mise sur le marché (avec des procédures discutables, voir plus bas), l'effet combiné de la multitude de produits chimiques vaporisés dans l'environnement au nom de la productivité est encore très peu connu. L'effet cumulé de deux substances serait ainsi plus important que la somme des effets des substances considérées séparément. Qu'en est-il donc avec des dizaines de produits chimiques ?

C'est donc l'ensemble du système agricole mondial que Greenpeace invite à repenser, en optant pour une agriculture sans pesticides, écologique et "biologique".

Date: 
Dimanche, 20. Avril 2014 - 10:45
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