- fr
- nl
Souvenez-vous.
C'était en mai dernier, l'hiver interminable prenait fin et la Commission Européenne décidait de passer outre la décision de ses États Membres pour imposer un moratoire sur certains pesticides, les néonicotinoïdes (voir notre synthèse), accusés par l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) d'être l'une des causes probables du déclin généralisé des insectes pollinisateurs.
Cette interdiction, tant applaudie que contestée — elle ne concerne que certaines utilisations desdits pesticides, et sur une durée de seulement deux ans — doit entrer en vigueur au 1er décembre de cette année.
Certains y ont vu un "coup monté" orchestré par les multinationales : interdire l'utilisation de produits sur une durée plus courte que leur temps de persistance dans l'environnement reviendrait à innocenter, à terme, ceux qui sont pourtant considérés par de nombreuses études scientifiques comme les coupables, ou à tout le moins les complices, du grand déclin des abeilles. C'était l'objet de la pétition de Pollinis (voir notre article sur le sujet).
Rebondissement, pourtant, puisque les géants de l'agrochimie Bayer et Syngenta ont chacun saisi la Cour européenne de justice pour tenter de casser la décision prise par la Commission, et empêcher ainsi l'interdiction d'utilisation de leurs produits chimiques.
Plusieurs raisons sont invoquées par les deux entreprises, dont principalement des pertes économiques importantes : 80 millions d'euros pour les deux substances de Bayer CropScience, et 35 millions pour celle de Syngenta. Rappelons également que Syngenta avait prédit d'effroyables crises alimentaires si son produit était interdit (voir la vidéo, en anglais).
Les communiqués de presse expliquent à nouveau le déclin des abeilles par un faisceau d’éléments allant des changements climatiques aux maladies et parasites exotiques, en passant par l'argument traditionnel du manque de nourriture de qualité disponible pour les butineuses (dû, rappelons-le, à une agriculture intensive dont ils sont eux-mêmes les promoteurs...)
Si ces autres éléments nocifs ne sont en aucun cas négligés par les scientifiques, prétendre que les néonicotinïdes sont dénués d'impact tient de la malhonnêteté intellectuelle (voir notre article sur le "réseau biodiversité pour les abeilles" financé par BASF, un autre géant de l'industrie dont un pesticide, le fipronil, a également été interdit en juillet).
Face à ces plaintes, la Commission s'est pourtant dite sereine, s'appuyant à nouveau sur l'avis de l'EFSA et le soutien des 15 États Membres (dont la Belgique) qui avaient voté pour l'adoption de ce moratoire en avril dernier. Suite, donc, au prochain épisode.
Illustration : L'Empire Contre-Attaque, 1980. © Lucas Film LTD. & TM.